LISONS : La Saga Shin Megami Tensei. D’apocalypses en renaissances.

Il est souvent utile de savoir faire vaciller sa persona… Il le faut même, parfois. Ainsi, au-delà de mon masque immuable d’edgelord picard, il me faut désormais vous le confier : je n’ai jamais pu jouer au moindre SMT.

Tout joueur un tant soit peu intéressé par le jeu japonais s’est frotté un jour ou l’autre à Shin Megami Tensei, ou a tout du moins pu ouïr de son esthétisme tourmenté, de sa difficulté insensée. Malgré un succès d’estime et une réputation sans faille, ces jeux demeurent difficiles d’accès et s’y essayer requiert investissement de taille. Perplexe devant cette matière noire, je me suis ainsi régulièrement penché sur le sujet avec un intérêt certain, sans pour autant être suffisamment ambiancé pour m’agripper à la marche du train.

Les étoiles s’alignaient avec l’arrivée imminente sur Switch du cinquième volet de saga, l’occasion pour Third Editions de couper court à l’attente de ses lecteurs. Annoncé depuis des lustres, l’ouvrage La saga Shin Megami Tensei. D’apocalypses en renaissances rédigé par Ludovic Castro est disponible depuis le 16 septembre, comme à l’habitude, en version classique ou « first print ».

Si comme l’annonce Castro d’emblée, l’ouvrage ne traite pas de Digital Devil Saga ni de la série Persona (les deux consœurs étant déjà étudiées ailleurs) celui-ci emboite malgré tout le pas des standards de son éditeur, optant pour une étude globale de SMT en trois parties, consacrées à la création puis à l’univers, suivies d’une analyse plus culturelle et personnelle.

Judicieuse, l’entrée en matière est l’occasion pour Castro d’une courte escapade littéraire auprès d’Aya Nishitani, auteur du roman Digital Devil Story: Megami Tensei, lui-même aux origines de Shin Megami Tensei. S’ensuit un naturel mais fondamental passage au chevet de Kazuma Kaneko, l’illustre demon designer dont la patte artistique irise la série. D’un style sobre, bien renseignée, la partie parvient ici à éclairer avec justesse les fondements de SMT et le lecteur aura le plaisir d’y découvrir en sus de plus amples détails sur les destins croisées des développeurs d’Atlus.

À mon sens la plus délicate à écrire pour ce genre d’ouvrage, la seconde partie de La Saga Shin Megami Tensei s’attache à effeuiller et développer chacun des univers de ses épisodes. Au-delà de la tâche parfois ingrate consistant à narrer ainsi sur papier ces histoires destinées à un autre medium, c’est ici l’occasion pour Castro d’en introduire les inspirations, d’offrir une lente transition vers une dernière partie plus analytique. Il s’agit donc de s’attarder sur les instances mythologiques invoquées par la série et probablement échaudé par l’abondant corpus de SMT, l’auteur agit avec prudence, proposant en entame une énumération de ses mythes premiers. Dans un style dépouillé mais lucide, celui-ci met alors en exergue les piliers de la saga et présente quelques résumés de doctrines religieuses, notamment de l’hindouisme, du gnosticisme et du shintoïsme. Si l’artifice peut sembler manquer d’audace, celui-ci allié à la sobriété de l’écriture n’en demeure pas moins efficace : Castro tend ici à concentrer son chi vers le fond de son propos à défaut de s’échiner à vouloir voir le lecteur grimper aux rideaux.

L’exégèse de La saga Shin Megami Tensei en troisième partie suit avec diligence cette même ligne et redouble de richesse. Dans un style plus libéré, Castro y dévoile des connexions à SMT plus impromptues, narre son lien avec certains aspects de l’histoire du Japon, évoque la série d’animation Devilman de Go Nagai, amène à plus de réflexions. Si l’étude précise de sa musique et de ses gameplays est tout aussi satisfaisante, plus encore que pour la partie précédente, on pourra regretter ici certains atours de la présentation, notamment quelques petites répétitions ou le recours à de nombreuses énumérations. Castro livre ainsi au cours de cette exégèse une prose fragmentée à grand renfort de sous-parties et de nombreuses compositions en liste, au point de nuire à l’emport de ses idées, voire même au risque d’éluder l’évidente transversalité de sa pensée.

Le voyage proposé par La saga Shin Megami tensei est étonnamment salvateur. Empreint par le style sans fanfreluches de son auteur comme par son expertise presque scientifique de la série, l’ouvrage est à la hauteur de son sujet, d’une solidité communicative. Si l’absence d’une table des matières plus précise ou d’un index des démons qui jalonnent la saga n’encourage que trop peu à la relecture, Castro livre un panorama lucide, une référence habile et bienfaitrice qui saura réjouir les joueurs experts comme elle éclairera les novices.

La Saga Shin Megami Tensei. D’apocalypses en renaissances
– nombre de pages : 383
– Format : 160 x 240
– Maison d’édition : Third Editions (www.thirdeditions.com)
– Auteur : Ludovic Castro
– Version classique 29.90 €, Version First Print 34.90 € (sur le site de l’éditeur uniquement), Ebook 11,99 €

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